Situation en Haïti

L’hebdomadaire du Collectif Haïti de France

n° 1656 du 26/06/2024 : Premier déploiement de policiers kenyans : « Déposez les armes et reconnaissez l’autorité de l’État », un avertissement de Garry Conille aux gangs armés en Haïti

« Déposez les armes et reconnaissez l’autorité de l’État »,  c’est le message du premier ministre Garry Conille aux gangs armés, à l’arrivée du premier contingent de 400 policiers Kenyans de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) en Haïti, ce mardi 25 juin à Port-au-Prince. Le Bureau intégré des Nations Unies (BINUH) voit ce premier déploiement comme une étape cruciale dans la lutte pour rétablir la sécurité dans la capitale et ses environs, protéger les droits des Haïtiennes et des Haïtiens, et soutenir la Police Nationale Haïtienne (PNH) dans le cadre de cette mission. « Nous espérons [son] déploiement entier, tel qu’autorisé par le Conseil de sécurité des Nations Unies ». Les policiers kenyans, dont certains munis de leurs fusils, ont été accueillis à l’aéroport international Toussaint Louverture de Port-au-Prince par des responsables de la PNH. D’autres policiers devraient prochainement les rejoindre pour les renforcer. Ces 400 policiers font partie des mille policiers que fournira le Kenya à la mission. Ils dirigeront une force multinationale contre les gangs armés, qui terrorisent la population haïtienne, en particulier celle de la capitale. Un accord a été signé, le 21 juin, entre l’ambassadeur Gandy Thomas, représentant ad intérim d’Haïti auprès de l’Organisation des États américains (OEA) et l’ambassadeur kenyan aux États-Unis d’Amérique, Lazarus O. Amayo, sur le statut de la Mission, permettant d’accélérer son déploiement. L’arrivée de ce premier contingent coïncide avec une troisième journée de manifestations contre un nouveau projet de loi de finances qui a fait au moins 5 morts et plus de 30 blessés à Nairobi, la capitale du Kenya. Peu avant le débarquement de ces 400 policiers, le président du Kenya, William Ruto, a déclaré « La présence de nos policiers en Haïti apportera un soulagement aux hommes, aux femmes et aux enfants, dont la vie a été brisée par la violence des gangs » D’autres pays, comme le Bénin, les Bahamas, le Bangladesh, la Barbade et le Tchad, ont dit vouloir participer à la mission. La coalition de gangs appelée Viv Ansanm contrôle 80 % de la capitale, où elle multiplie des exactions, comme des meurtres, viols, pillages et des enlèvements contre rançons. Plus de 2 500 personnes ont été tuées ou blessées au cours des trois premiers mois de l’année en Haïti.

n° 1655 du 19/06/2024 : Les gangs armés poursuivent leurs actes de terreur

Au moins 11 personnes ont été tuées, dont un directeur d’école, et plusieurs autres ont été blessées et des maisons incendiées dans une attaque-surprise, dans la nuit du 14 au 15 juin. Des gangs armés de Ti Bwadòm sont venus à moto de Gros Morne à Lagon, (Terre Neuve, département de l’Artibonite) commettre cette horreur. Ce mardi, les habitants de Lagon étaient encore sous le choc et dans la crainte d’un retour de ces gangs. Une patrouille de la Police a effectué une visite le 15 juin, à Terre Neuve, une commune où seulement 2 policiers sont en poste. A Kafou Pèy, sur la route nationale N°1, également dans l’Artibonite, le gangs armé Gran grif, de Savien, continue de rançonner en toute impunité les chauffeurs de transports publics. Par ailleurs, le 11 juin, à Delmas 24, il y a eu des morts et des blessés dans une nouvelle attaque des bandits de la coalition de gangs « Viv ansanm ». Le 12 juin, des tirs sporadiques ont causés une paralysie des transports publics, aux avenues Poupelard et Martin Luther King (Nazon), ainsi que dans les environs du quartier de Christ Roi à Port-au-Prince. Des habitants de ces quartiers ont été ainsi contraints de rester chez eux, de peur des balles perdues. Depuis ce jour, la Police Nationale patrouille au bas de Delmas contre cette coalition de gangs Viv ansanm, dirigée par l’ancien policier Jimmy Chérizier alias « Barbecue ». Dans la nuit du 16 au 17 juin, un groupe portant l’uniforme de la Police Nationale a assassiné 3 frères (Raynaldo, Raynolson et Wildoff Pierre) ainsi qu’une personne de la même famille (Jamesia Marcelin), dans une maison à Delmas 33, selon la station privée Radio Kiskeya

n° 1648 du 01/05/2024 : Edgard Leblanc Fils a été désigné coordonnateur du Conseil Présidentiel de Transition, sur la base d’un « consensus majoritaire »

Dès le départ, il y a donc un couac : cette décision n’engage que les délégués de 4 secteurs représentés au Conseil Présidentiel de Transition (CPT), annonce Frinel Joseph, l’un des deux observateurs (sans droit de vote). « Cet accord n’engage uniquement que cette majorité », précise-t-il. Elle est composée d’Edgard Leblanc Fils (Collectif des partis politiques du 30 janvier 2023), Smith Augustin (de la plateforme Résistance démocratique / Engagés pour le développement / Red-Ede et le regroupement politique Compromis historique), Louis Gérald Gilles (accord du 21 décembre 2022, -la coalition gouvernementale sortante), et d’Emmanuel Vertilaire (le parti politique Pitit Desalin). L’ingénieur Edgard Leblanc Fils (ancien président du sénat de 1995 à 2000), âgé de 69 ans, vient d’être désigné par consensus majoritaire, ce 30 avril, comme coordonnateur des actions du CPT. Le vote, qui était prévu en présence de la presse et des représentants des secteurs signataires de l’accord politique du 3 avril 2024 portant création de ce Conseil, a été abandonné au profit de cette entente. Autre maladresse relevée par la presse, ladite majorité a proposé le nom de Fritz Bélizaire, un ancien ministre de la jeunesse et des sports de René Préval en 2007. Rien n’est dit sur le respect des critères préalablement définis par les 9 membres du CPT pour le choix du nouveau chef du gouvernement de transition. Qu’est-ce qui se cacherait derrière cette apparence de « fuite en avant politique », d’« aventurisme politique » (majorité de 4 contre une minorité de 3), qui risque de provoquer un malaise au sein de ce Conseil, dans un contexte aussi fragile. Les 3 autres secteurs (organisation politique Fanmi Lavalas, Accord de Montana, les associations patronales et regroupements d’hommes et de femmes d’affaires) seront-ils confinés à un rôle de figurants dans les prochaines décisons ?

numéro spécial du 25/04/2024 : Le Conseil Présidentiel de Transition a été installé au palais présidentiel, malgré le crépitement de balles aux alentours

C’est dans un contexte de crépitement de balles dans les environs du Champ de Mars que le Conseil Présidentiel de Transition a été installé dans la matinée de ce jeudi 25 avril 2024, au Palais national. Apparemment, la décision de cette prestation de serment semble avoir été une stratégie adoptée, pour des raisons de sécurité. L’hymne présidentiel et l’hymne national ont été exécutés par la fanfare du palais, en l’honneur des 9 membres qui le composent. La cérémonie a débuté après 8 heures du matin avec la participation du premier ministre intérimaire, Michel Patrick Boisvert, en présence de membres du gouvernement de facto et de personnalités issues des secteurs représentés à ce Conseil.

Des tirs ont été tout de même entendus dans les parages du palais, cible d’attaques de la part des gangs depuis plusieurs jours. La cérémonie de prestation de serment ayant eu lieu au siège de la présidence a provoqué la surprise. Peu après 9 heures, les membres du Conseil Présidentiel de Transition se sont dirigés vers la Villa d’accueil à Musseau (à l’est de la capitale) pour une autre cérémonie. La Villa d’Accueil, ancienne résidence privée, est devenue propriété de l’État, et a servi, entre autres, de bureau au Conseil électoral provisoire (CEP) dans les années 1990, puis de bureau des premiers ministres. C’est le second lieu de référence du pouvoir exécutif. Les membres du Conseil Présidentiel de Transition sont Smith Augustin, Louis Gérald Gilles, Fritz Alphonse Jean, Edgard Leblanc Fils, Laurent St Cyr, Emmanuel Vertilaire, Leslie Voltaire, et les observateurs, sans droit de vote, Régine Abraham et Frinel Joseph.

Le 24 avril, dans une lettre adressée au Conseil des ministres et rédigée de Los Angeles. « Prenant acte de l’état de fait, je présente la démission de mon gouvernement », écrit-il. Juste avant de démissionner, Ariel Henry et les ministres ont procédé à la nomination, par arrêté, de Michel Patrick Boisvert au poste de premier ministre intérimaire, en attendant la formation d’un nouveau gouvernement pour assurer la continuité de l’État. Ministre de l’économie, M. Boisvert jouait déjà ce rôle depuis le départ d’Haïti d’Ariel Henry en février 2024.

Un large accord est à la base de cette évolution de la situation politique en Haïti. Ses parties prenantes sont : l’Accord du 21 décembre 2022 (coalition gouvernementale sortante), l’Accord du 30 août 2021, dit Accord de Montana, le Collectif des partis politiques du 30 janvier 2023, l’Organisation politique Fanmi Lavalas, le parti politique Pitit Desalin, la Plateforme Résistance démocratique/Engagés pour le développement (RED/EDE) et le regroupement politique Compromis historique, des associations patronales et des regroupements d’hommes et de femmes d’affaires haïtiens, le Groupe de la Société civile et le Rassemblement pour une entente nationale (REN) /Inter-Foi.

Les enjeux sont énormes et les conditions générales de mise en œuvre de la prochaine transition extrêmement difficiles. Les obstacles de tous ordres, qui jalonneront le parcours de l’administration durant les 22 mois à venir (jusqu’au 7 février 2026) ne sont pas à minimiser. Le prochain gouvernement de transition aura à initier le processus de redressement de l’administration publique, garantir le fonctionnement des institutions juridictionnelles, relancer la vie économique et sociale, rétablir et maintenir un climat de paix sociale propice à la tenue de la Conférence nationale et des élections générales.

La zone métropolitaine de Port-au-Prince est actuellement paralysée par les gangs armés qui y sèment la terreur, surtout depuis le 29 février. De janvier à mars, environ 2 500 personnes ont été tuées ou blessées à cause de la violence des gangs armés, soit une augmentation de 53% par rapport au trimestre 2023, selon un rapport du Bureau intégré des Nations unies en Haïti (Binuh), publié le 19 avril. Les violences des gangs armés ont déjà provoqué, depuis l’année 2023, le déplacement d’environ 400 000 personnes, la plupart à la capitale. Dans les zones infestées de gangs, notamment le département de l’Artibonite (Nord) et la zone métropolitaine de la capitale, les écoles sont pratiquement fermées, tout comme des branches d’activités économiques et sociales. La production agricole est gravement affectée, la faim tenaille environ 5 millions de personnes (près de la moitié de la population), selon les chiffres de l’Organisation des Nations Unies / Onu.