Historique du Canal de d’Avezac de Castéra de Camp Perrin

Pierre Valentin d’Avezac, né à Tarbes en Bigorre, étudia à la Sorbonne. Il n’obéissait qu’à contrecoeur aux volontés de son père, qui l’avait destiné à l’Eglise. Riche de quelques présents de sa famille, il prit alors la route de Bordeaux. Très vite, l’envie de quitter la France se fît sentir, et M. d’Avezac se détermina à aller dans les îles en 1748, arrivé à Saint-Domingue où il débarqua avec un seul louis d’or. Il y rejoignit un oncle qui le nomma en 1749 procureur de la sénéchaussée de Saint-Louis.

M. d’Avezac se maria avec Marie-Thérèse Durand de Linois et prit alors son vrai nom de baptême Pierre Valentin. Il donna en 1753 sa démission comme procureur et obtint en 1755 la commission d’aide-major des milices de Saint-Louis. C’est à partir de cette date qu’il acquit une indigoterie à Aquin; il fit avec succès des travaux pour y conduire de l’eau. Toujours à la même époque, les habitants de la plaine des Cayes voulurent employer les eaux de la Ravine du Sud, qui prend sa source dans le morne Macaya, dans le but de fertiliser la plaine de Jacob. Plusieurs personnes assuraient que ce projet était inexécutable mais M. d’Avezac conçut l’idée d’entreprendre cette distribution d’eau.

Son assurance et son éloquence naturelle le firent écouter. Les habitants intéressés s’assemblèrent et pensèrent pouvoir lui demander un plan et un devis, M. d’Avezac répondit qu’il ne savait pas en faire, mais qu’il accomplirait quand même l’ouvrage et fit adopter ses propositions.

Le 16 décembre 1759, acte sous-seing privé entre des syndics et M. d’Avezac qui se chargea de tout moyennant 700 000 euro et s’obligea à livrer son ouvrage dans les 5 ans. Il acheta tout d’abord un terrain près de la prise d’eau, Dès que l’on conçut qu’il puisse aboutir, l’envie et l’intérêt s’éveillèrent. Le premier quartier du paiement du projet ne fut pas respecté. De plus, les non-riverains qui n’avaient pas souscrit dans l’origine voulurent être colloqués dans la distribution, mais le 1er février 1762 les administrateurs rejetèrent leurs demandes.

Après ces troubles et de nombreuses rencontres entre les intéressés et M. d’Avezac, M. Dargout, alors commandant de la partie sud, sentant combien cet affligeant procès nuisait à la population et donc à l’intérêt général, parvint à déterminer tous les intéressés à s’assembler devant lui pour se concilier avec M. d’Avezac. Après conciliation, il se remit à la tâche de plus belle et exécuta l’ouvrage. M. Dufrettey, major pour le roi aux Cayes, après avoir examiné les travaux déclara en être très satisfait.  »Autant et au-delà de ce qu’il pouvait espérer de l’exécution d’un marché fait sans plan, sans devis et sans profil : ouvrage cependant qui fera honneur à perpétuité au sieur d’Avezac, d’autant plus qu’il n’était pas du métier lorsqu’il a fait cette entreprise, en laquelle il a si bien réussi, à la plus grande satisfaction de la population. »

Enfin, il renouvela sa promesse de garantir pendant deux ans ses travaux faits pour arroser alors 2 840 carreaux (un carreau =1,3hectares) dépendant de 18 habitations. Au bassin de distribution placé sur l’habitation Lévy, l’eau est divisée en deux. Le canal le plus oriental distribue l’eau à trois sucreries et à une indigoterie non riveraine, y arrose 1 460 carreaux et y fait mouvoir dix moulins. Le canal occidental fournit de l’eau à huit sucreries, à une cotonnerie indigoterie riveraine, à une autre non riveraine, à neuf moulins et arrose 1 380 carreaux.

Le canal fut achevé en mai 1765. Tel est l’ouvrage qui rendra le nom de d’Avezac parmi ceux des citoyens utiles et précieux. Sans lui l’eau coulerait sans doute inutilement dans le lit de la Ravine Sud et la population serait privée de tous ces avantages.

Cet homme étonnant est décédé le 14 septembre 1781, après avoir joui comme il le méritait de la gloire. Cependant, on assure que ses enfants n’ont pas encore reçu la totalité de ce qui leur était dû.

Extrait du livre de Moreau de Saint-Méry