L’AVENIR DU CAFÉ

 

En Haïti, quelque 200 000 familles tirent une bonne partie de leur subsistance de la filière café.

En plus d’avoir un effet bénéfique pour la protection de la couverture forestière du pays, la production de café constitue le moteur d’une des rares productions nationales dirigées vers l’exportation. 

Des représentants de coopératives et d’associations de planteurs se sont réunis récemment à Thiotte (sud-est du pays), pour discuter des problèmes du secteur caféier en Haïti. Le café a historiquement soutenu les familles haïtiennes et a permis d’éponger la double dette de l’Indépendance. Depuis les années 50, la production chute. Jusqu’aux années 80-90, la livre de café se vendait environ 2 gourdes (4 centimes d’euros). Cette faiblesse des prix, tant sur le marché local que mondial, a découragé les grands exportateurs. Ne trouvant plus à vendre leur production, nombre de petits producteurs ont abattu leurs caféiers au profit d’autres cultures plus rentables. Le café haïtien est pourtant l’un des plus prisés dans le monde, surtout exporté vers les États-Unis, le Canada, le Japon et l’Italie. Mais les spécialistes estiment que 80 % du café haïtien prend le chemin de la République dominicaine – souvent illégalement – pour être vendus sous des labels dominicains. Les Dominicains arrivent à contrôler la production, et pratiquent par moment des prix inférieurs à ceux du marché haïtien, ce qui sape les efforts des coopératives et des producteurs en Haïti.

Sans vraiment de support de l’État, les haïtiens tentent d’insuffler un nouvel élan à la filière : 600 000 plants sont mis en terre chaque année pour régénérer les plantations et augmenter la production. Actuellement, le producteur touche 50 gourdes (environ 1 euro) pour une marmite de cerises de café de cinq livres. Haïti exporte chaque année pour un peu plus de 900 000 €.

Mais la commercialisation n’est pas le seul problème auquel est confrontée la filière. Depuis le début des années 2000, le scolyte (insecte) fait de terribles ravages et a décimé plus de 60 % de la production, en s’attaquant aux cerises et les rendant inconsommables. Il n’existe pas d’insecticide contre le scolyte, la meilleure technique jusqu’ici est de tremper les cerises affectées dans l’eau chaude pour tuer les scolytes femelles. Cette technique n’éradique pas les insectes, elle ne fait que circonscrire le problème. Par ailleurs, la maladie de la rouille, provoquée par le champignon hemileia vastatrix, menace aussi la production et gangrène de plus en plus les caféiers. Sans parler de la menace récurrente des cyclones.

D’autres difficultés, de nature économique et financière, assaillent le réseau.

Le prix du sac d’engrais est  exorbitant (1,65 €), mais ne permet pas au paysan d’augmenter sa production.

Par ailleurs, le producteur qui, voulant moderniser sa production, s’adresse aux institutions de crédit se voit imposer des conditions absolument déraisonnables (jusqu’à 41 % de frais), c’est un véritable système d’endettement.

Par ailleurs, de nombreux choix techniques restent à faire : quelles espèces faut-il développer ? Comment régénérer les plantations ? Quelle distance respecter entre deux plants pour un maximum de rendement ? etc…

Ces différentes questions ont porté les acteurs à créer l’Institut national du café haïtien (INCAH, structure administrative de 21 membres représentant les différents acteurs du domaine). L’organisme, qui dépend du ministère de l’Agriculture, lequel est d’office président du conseil d’administration, a pour but de dynamiser la production et d’améliorer les conditions de vie des gens impliqués dans le domaine. Il s’agissait de mettre de l’ordre dans le secteur en créant une plateforme, un espace de dialogue et de revendication pour les planteurs. « Dans tous les discours, on parle de la relance de l’agriculture alors qu’on néglige le circuit café », dit-il. À la Plateforme Nationale des Producteurs de Café Haïtien (PNPCH), on croit qu’avec le circuit café, on peut résoudre un bon nombre de problèmes qui minent le pays comme le chômage, l’insécurité alimentaire, l’exode rural et la déforestation. « Pas de moyens, pas de volonté », expliquent des producteurs. Mais que faire quand la baisse de la production d’un circuit qui, en d’autres pays est pourtant prometteuse, engendre paupérisation des familles, exode rural et déboisement?  Si les solutions dépendent en partie de l’État, les dizaines de coopératives et d’associations qui constituent la PNPCH tentent depuis 15 ans de faire en sorte que les producteurs caféiers poussent tous ensemble dans la même direction. La PNPCH bénéficie d’une immense force de mobilisation et de réseautage qui peut faire la différence, mais elle doit également être impliquée dans la mise en place d’une politique de régénération caféière qui favorisera aussi la reforestation.

La filière café s’est révélée fort efficace en matière de préservation de la couverture végétale dans les grandes régions productrices, il suffit de s’y promener pour constater à quel point café et forêt font bon ménage. Non seulement le secteur café possède le potentiel pour régénérer l’environnement, il peut aussi booster l’économie du pays, notamment dans les zones rurales, en donnant du travail à des milliers de jeunes.

D’après un article de Ralph THOMASSIN JOSEPH (le nouvelliste)